"Amat idem Pugnat"

Alexis

Module
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 le Routier : à cœur vaillant rien d'impossible. Ça n'est ni la taille, ni la force qui fait le combattant, mais sa détermination à aller jusqu'au bout de ses forces. Combattez Alexis et vous gagnerez peut-être, fêtez votre victoire et vous le verrez revenir réclamer sa revanche, l’œil pétillant...


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Mon père possédait quelques acres de pins, qu'il faisait gemmer à nos métayers. Premier né d'une famille de la petite bourgeoisie de Guyenne, mon avenir dans la résine semblait tout tracé. Mais un malheur ne vient jamais seul et s'ajoutant à une guerre que mon père avait pourtant réussit à tenir éloignée, vint le grand fléau qui décima mon village et ma famille entière. Je ne dus ma survie qu'à trois mots "cito, longe, tarde". Les médecins démunis devant l'ampleur de la contagion nous exhortaient à partir vite, aller loin et revenir tard. Mes proches n'eurent pas cette chance...
A peine sorti de l'enfance, mon errance ne me porta pas loin et je fus capturé, d'autres pourrait dire "recueilli" par une compagnie de routiers désoeuvrés. A cause de mes origines, souvent je fus rossé et mis genou à terre, mais toujours me relevais plus combatif que jamais. Ma ténacité plût et je fus intégré à la troupe. J'y appris le maniement des armes, la ruse et la survie, puis finit par devenir un routier respecté, à défaut d'être respectable. Je parcouru ainsi de nombreux chemins, passai quelques frontières et survécu à moult rixes. Cette vie de combats, de rapines et de femmes légères m'amena jusqu'aux pentes de la Montagne Noire où je finis par me fixer. Je louai une dernière fois mon épée aux Seigneurs d'Hautpoul, pour servir sous leur bannière. Sans doute las d'années à battre campagne, je n'aspirais plus qu'à la quiétude d'un foyer.

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Depuis les invasions barbares, les chroniques relatent les exactions de groupes de déserteurs ou de soldats désœuvrés qui pillent ou saccagent des villages à travers tout l'occident, avec pour principale conséquence l'organisation des seigneuries et les débuts de la féodalité médiévale. Mais on ne parle de "routiers" qu'à partir du XIIe siècle...
Dès 1137, avec la guerre civile qui oppose le Roi Étienne à Mathilde, la mère d'Henri II, l'Angleterre incorpore dans ses armées des troupes irrégulières de mercenaires. Dès 1180, pour défaire les Plantagenêt et défendre le royaume de France, le roi Philippe Auguste est contraint, lui aussi, d'avoir recours à ces mercenaires aguerris aux combats et très organisés. Ce sont les débuts des grandes compagnies de mercenaires dont l'utilisation deviendra décisive sur les champs de bataille. Mais contrairement aux soldats réguliers, qui touchent leur solde toute l'année, les mercenaires sont démobilisés en temps de paix et privés de revenus. La plupart se regroupent alors sous le commandement des plus charismatiques et luttent pour leur propre compte, allant chercher l'argent où il se trouve. Ces grandes compagnies de routiers pillent des régions entières et n'hésitent pas à assiéger des cités ou rançonner des seigneurs. Les villes s'organisent pour leur résister, le danger n'est plus seulement hors les frontières et les populations tremblent de voir surgir ces pillards...

Pour comprendre la terreur que pouvait inspirer ces routiers au XIVe siècle, il suffit d'imaginer des troupes de milliers de combattants aguerris, vétérans de plusieurs conflits, souvent issus de régions pauvres, sans rien à perdre, lâchés sur des régions qui supportent déjà les affres de la guerre de Cent ans et de la Peste noire. Pour exemple, la grande compagnie des Tard-venus qui dévastent le royaume de la Bourgogne au Languedoc compte environ 15.000 routiers, alors qu'Edouard III triomphe des français à Crécy avec 20.000 soldats. Inutile de préciser que les routiers représentent un réel contre pouvoir qui inquiète les seigneurs locaux. Les rois de France et d'Angleterre commencent par combattre les compagnies en envoyant plusieurs seigneurs accompagnés de troupes régulières. Mais les résultats ne sont pas probant, les seigneurs se font régulièrement défaire, le pouvoir des rois est remis en cause et ces campagnes pèsent lourd sur les trésors royaux. Ils changent alors de stratégie et tentent de monter les compagnies les unes contre les autres. Mais là encore, rien de probant, car les compagnies sont versatiles et vont au plus offrant. Les rois et le Pape changent une nouvelle fois de stratégie et missionnent des seigneurs, comme le connétable Bertrand Du Guesclin, d'enrôler les compagnies dans leurs campagnes et croisades extérieures, vers l'Espagne, l'Italie, la Provence ou l'empire byzantin, une façon détournée de les éloigner du royaume. Cette stratégie paie, les routiers restés en maraude deviennent minoritaires et sont impitoyablement pourchassés, le pouvoir seigneurial retrouve sa superbe et organise ses armées en tirant les leçons de ses erreurs passées. Désormais, même si des heurts subsistent localement, le Roi a les moyens d'y faire face. Vers la fin du XIVe siècle, les derniers routiers sont intégrés de façon permanente dans les armées régulières, les états achètent leur fidélité.

Les routiers, aventuriers du moyen-âge...
Si certains routiers sont issus de la bourgeoisie ou d'une noblesse déchue, la majorité viennent de régions pauvres comme la Provence ou les Pyrénées ou encore de zones surpeuplées tel le Brabant, la Flandre et le Hainaut avec la ferme intention de survivre dans un monde qui ne leur est pas favorable. Ils portent alors autant d'appellations que d'origines : Almogavares, Bandouliers (de bandolero, brigand espagnol des Pyrénées), Basques, Brabançons, Bretons, Coquillards, Cotereaux (de cottier, paysan pauvre), Germains, Hennuyers, Mainades, Paillers (une paille sur leur chapeau), Ravisseurs, Tard-venus, Triaverdins
Certains chefs routiers inscrivent leurs noms dans la grande Histoire tels Raymont Brun, Mercadier, Lupicaire, Guillaume d'Ypres, Arnaud de Cervole dit l'Archiprêtre, Croquart, Bernardon de la Salle, Seguin de Badefol, Petit Meschin, etc.
D'autres font fortune comme Robert Knolles qui aurait amassé 100 000 écus en rançonnant les frontières de la Normandie à la tête de ses routiers anglo-navarrais.
D'autres encore, comme le gallois Ruffin, s’achètent une respectabilité en devenant "chevalier" grâce à l'or de leurs rapines.
A n'en pas douter, encore aujourd'hui, le routier fascine par son libre arbitre, dans une société très hiérarchisée et sclérosée par les conventions sociales ou religieuses. Il est l'archétype de l'homme "maître de son destin"...

Quelques liens intéressants pour en apprendre plus sur les routiers :
Mercenaires, routiers et écorcheurs au Moyen Âge
Les grandes Compagnies

L'histoire est facétieuse et se répète, d'autant que l'Homme oublie vite ses erreurs. Les mercenaires continuent d'être employés à travers le monde, lorsque les gouvernement ne veulent pas que leur implication soit trop évidente. Avec parfois de sacrés revers de médaille, comme en Afghanistan, en Afrique ou en Amérique latine, les U.S.A. détenant probablement le record de retours de bâton des troupes irrégulières qu'ils ont formées et armées !